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Hank Vogel, écrivain
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Enfance rêvée

Mais ! (extrait)

Si j'avais su, je serais resté auprès de mon Père. Là-haut, au-delà des nuages et du ciel bleu. Dans ce grand jardin suspendu entre les rêves des hommes et les caprices de Dieu. Au pays des anges et des démons repentis. Il est vrai que je regrette ce lieu de nulle part. Où ma mémoire fonctionnait au ralenti. Où encore : elle enregistrait et effaçait aussitôt toute information susceptible de m'apporter un peu de lumière. La lumière du Père. Son amour. Car il faut que je vous dise, le Grand Barbu, comme vous dites si bien, ne gaspille pas sa tendresse. Ni son bon sens. Il se donne au compte-gouttes. Mais quand il se donne, il se donne. C'est-à-dire sans exiger en retour le moindre remerciement. Tout le contraire de ses représentants. Eux vendent à prix d'or l'ombre de ses grâces. Les retenues de son souffle. D'ailleurs, ils ne savent faire que ça. Ou, peut-être non, ils savent aussi écrire ou raconter des histoires invraisemblables. Des histoires comme celle-ci ou comme celle-là. Un jour, mon oncle d'Amérique, qui était né en Syrie, offrit un billet de dix piastres à mon frère de sang et à moi il ne m'offrit rien. Rien du tout. J'étais à cette époque en terre des pharaons. Le berceau des terres saintes. Le vieil homme (à moi, il me paraissait vieux), malgré ses enrichissantes expériences de la vie, ignorait tout de la psyché enfantine. Ce jour-là, il fit donc de mon frère un enfant heureux. Et de moi un enfant triste. Forcément, je me suis mis à pleurer. Et je fuis me cacher sous un arbre ... Dieu, dis-je (en m'adressant vraiment à Dieu), tu es injuste. Tu donnes tout à mon frère et rien à moi. Pourquoi ? Parce qu'il est plus grand que moi ? Mais le Barbu ne me répondit pas. Pas tout de suite. Mais au bout d'une demi-heure, il se manifesta. En m'envoyant tout simplement dans une boule de poussière un billet de dix piastres. Oui, cette enveloppe magique arriva jusqu'à mes pieds. Comment est-ce possible ? dirait ma concierge. Avec Dieu, tout est possible, je lui répondrais. Surtout quand on est enfant. Quand les hommes, par ignorance, nous font terriblement mal au cœur. Et j'ai souvent eu mal au cœur. À la maison. À l'école. Et dans la rue. Peut-être davantage dans la rue. Car la pauvreté des autres m'était insupportable. Ce sont des images qui saignent. Qui nous saignent. Qui me saignaient en tout cas ...